contribution climat05
observations CLIMAT05 communiquées dans le cadre de l'enquête publique 2025 sur la centrale de Provence
L'association CLIMAT05 dont l'activité est centrée sur la nécessité de limiter l'ampleur du réchauffement climatique et qui agit, par suite, pour obtenir la diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES) se limite à commenter la partie Bilan Carbone de l'étude d'impact complémentaire relative à la centrale de Provence, laissant aux personnes plus compétentes le soin de pointer les nombreuses atteintes à l'environnement provoquées par le fonctionnement de la centrale.
La justification du projet sur lequel porte l'étude d'impact repose toute entière sur le gain que celle-ci est supposée apporter en matière de décarbonation de la production d'électricité.
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Selon l'étude d'impact complémentaire mise à disposition du public (1) :
" 6.4.Bilan carbone – Conclusions et perspectives
Ainsi, suite à sa conversion à la biomasse, le bilan carbone de la centrale de Provence est réduit d'un facteur 3 à 7 environ selon les scénarios par rapport à son fonctionnement au charbon et l'intensité carbone d'un facteur 6 environ."
Ainsi, selon l'exploitant, pour produire une même quantité d'électricité que l'ancienne centrale au charbon, la centrale de Provence émet 6 fois moins de carbone.
L'intensité Carbone est en effet le ratio entre la quantité de CO2 émis pour produire l'électricité et la quantité d'électricité produite : quand l'étude d'impact nous indique, page 99, que l'intensité Carbone d'une centrale à charbon ordinaire est de 1.058 kgCO2e/MWh, cela signifie que pour produire chaque Mwh, la centrale au charbon a émis en moyenne 1.058 kf de CO2 (2).
Cette intensité carbone de la production d'électricité par des centrales à charbon étant calamiteuse par rapport à celle de tous les autres modes de production d'électricité (3), le gouvernement a décidé qu'il soit mis fin à l'exploitation de ces centrales.
Pour être acceptable d'un strict point de vue "bilan Carbone", la centrale de Provence doit garantir que son intensité Carbone est très inférieure à celle d'une centrale à charbon.
Convaincre le public que le bilan Carbone de la nouvelle installation (unité P4B) est bon est ainsi primordial pour l'exploitant puisque c'est sur la base de ce bilan que sont justifiées les atteintes portées par ailleurs à l'environnement.
Cet enjeu explique pourquoi l'exploitant procède à une présentation intentionnellement trompeuse du bilan Carbone de la centrale.
Les données les plus précises portent sur l'année 2022.
L''exploitant connaît parfaitement la quantité de CO2 que la centrale a émis en 2022 : 406.000 tonnes (406 kT) (cf la déclaration qu'il a lui-même faite au GEREP) .
Il soumet pourtant à enquête publique une étude d'impact complémentaire selon laquelle les émissions de CO2 de la centrale ont été au total de 95,5 tonnes pour cette même année.
Si le chiffre de 95,5 ktCO2 annoncé dans le document de l'étude d'impact complémentaire est représentatif des émissions de gaz à effet de serre engendrées par le fonctionnement de la centrale, l'unité P4B sur laquelle porte l'enquête publique est, s'agissant du bilan carbone, relativement vertueuse.
INVERSEMENT
Si le chiffre de 406 ktCO2 reflète les émissions réelles, l'unité P4B a un bilan carbone calamiteux,
NB : le travestissement décrit ci-dessous s'agissant de l'année 2022 joue de la même manière pour les différents scénarios présentés ensuite par l'exploitant pour les années futures.
I - l'émission de CO2 présentée par l'exploitant au public : 95,5 ktCO2 en 2022
L'étude d'impact complémentaire est affirmative :
Pour 2022, page 97, selon l'exploitant :
"sur la base des données réelles disponibles du fonctionnement de la centrale et de son approvisionnement (scénario 1) : les émissions de la centrale sont estimées à 95,5 ktCO2e pour une production électrique de 373,5 GWh, soit une intensité carbone en 2022 de 256 kgCO2e/MWh (...)
Les 95,5 ktCO2e sont, dans tous les documents qui avancent ce chiffre (souvent arrondi à 96 ktCO2e) présentées comme reflétant l'ensemble des émissions liées directement ou indirectement au fonctionnement de la centrale et présentées de plus comme reposant sur les "données réelles disponibles".
L'exploitant déclare pourtant au registre des émissions polluantes, cf ci-dessous, que, sur la base des "données réelles disponibles", le site a émis au total 406 ktCO2e en 2022.
II - les émissions réelles : 406 ktCO2 en 2022
Il se trouve qu'un arrêté ministériel du 31 janvier 2008 impose aux exploitants des installations les plus polluantes de déclarer chaque année les émissions polluantes de chacun des sites exploités.
La synthèse de leurs déclarations est mise en ligne sur le site georisques.gouv.fr
S'agissant de la centrale de Provence, à la ligne 131 (5), les émissions totales de CO2 déclarées par l'exploitant pour l'année 2022 sont (avant dernière colonne à droite) de 406.000.000 kg : 406 ktCO2.
ci-dessous le lien pour accéder directement aux émissions déclarées par l'exploitant
L'exploitant sait parfaitement que les émissions effectives ont été de 406 ktCO2 puisqu'il l'indique lui-même (en dehors du document d'étude d'impact).
Il "informe" pourtant le public dans l'étude d'impact complémentaire mise à la disposition des citoyens, élus et associations que ces émissions ont été de 95,5 ktCO2.
III - le tour de passe passe
A - consistance de la manoeuvre :
Dans sa déclaration au registre des émissions polluantes dont aucun document du dossier d'enquête publique ne fait état, l'exploitant précise, ligne 61, que, dans le total des 406 ktCO2 émis par le site en 2022 (cf ligne 131 de sa déclaration), 341 ktCO2 sont du "Dioxyde de carbone (CO2) d'origine biomasse" c'est-à-dire sont liées précisément à l'activité principale de la centrale : le brûlage du bois.
Cette "donnée réelle disponible", ces 341 ktCO2 émis en brûlant le bois n'apparaissent nulle part dans l'étude d'impact complémentaire.
L'exploitant indique au milieu d'un paragraphe (rédigé avec beaucoup d'efforts pour le rendre obscur) que les émissions de cette nature "sont considérées comme neutre en carbone (...)"
Il n'est pas dit que le bois n'émet pas de CO2 en brûlant : l'exploitant indique seulement que, ce CO2 là, pour lui, "ça ne compte pas".
B - le caractère injustifié de la manœuvre.
Nous verrons dans la partie IV que l'exploitant a délibérément décidé de ne pas donner suit à la demande expresse et explicite de l'autorité environnementale ("Les principales recommandations sont : (...) de compléter le bilan des émissions de gaz à effet de serre en indiquant les quantités de CO2 d'origine biogénique,)
Sur le fond, l'exploitant invoque que le CO2 libéré lors du brûlage du bois a été précédemment absorbé par l'arbre, le bilan serait ainsi neutre. De même, l'arbre de forêt coupé pour les besoins de la centrale laisse de la place pour que de jeunes arbres poussent et captent du CO2, le bilan serait ainsi également neutre.
S'agissant de l'arbre déjà poussé :
d'autres usages du bois permettent de retenir plus ou moins durablement le Carbone qui a été capté.
. le bois d'oeuvre, certes minoritaire, peut conserver des siècles le Carbone capté. Sans aller jusqu'au cas de la charpente de la cathédrale de Paris (notamment flèche initiale et restauration), l'usage du bois de construction présente un double avantage "climat" : outre le fait de retenir durablement le Carbone contenu dans le bois, il permet à l'échelle du bois utilisé de limiter le recours à d'autres procédés de construction qui eux ont un bilan Carbone catastrophique (6).
. l'ameublement, utilisation massive de bois moins noble
. enfin des bois de moindre qualité et des déchets de bois peuvent être incorporés dans divers éléments (isolants en laine de bois, fibre de bois, bois compressé : double effet climat positif en évitant le recours aux isolants au mauvais bilan carbone)
etc..
S'agissant toujours de l'arbre déjà poussé, d'autres brûlage ont des rendements très supérieurs, apportent la même énergie en émettant moins de CO2 :
brûlage domestique dans des poêles à haut rendement thermique
brûlage dans des centrales de chauffage collectif
brûlage dans des centrales équipées de réseau de chaleur …
S'agissant des arbres non encore poussés :
L'exploitant feint d'ignorer les premiers effets du réchauffement climatique.
https://www.ign.fr/reperes/la-foret-francaise-en-2024 ↓
"Sur la période 2014-2022, les forêts métropolitaines ont absorbé 39 millions de tonnes de CO₂ par an en moyenne, tandis qu'elles en absorbaient 63 millions de tonnes de CO₂ par an au cours de la période 2005-2013."
Ce triste bilan est obtenu alors même que les études attestent, cf notamment en haut de la même page du site de l'IGN, que "la forêt continue de s'étendre"
Planter de nouveaux arbres dans le contexte climatique en cours ne garantit aucunement la compensation espérée des émissions faites lors du brûlage des anciens arbres.
Enfin, l'émission de Carbone se fait en un instant alors que la récupération espérée se fera au mieux sur 40 ans.
Or le GIEC alerte sur les boucles de rétroaction positive et les phénomènes de bascule. Réchauffer aujourd'hui le climat engendre des mécanismes qui ensuite, sans intervention humaine, réchauffent le climat (fonte des calottes et perte de l'Albédo par ex ou émission du méthane contenu dans le pergélisol).
L'urgence climatique impose de limiter dès maintenant les émissions de gaz à effet de serre sans miser sur l'effet futur de captures de Carbone, captures de plus seulement éventuelles.
Le choix fait par l'exploitant de "considérer" les émissions par la centrale de Provence comme "neutres" n'est aucunement justifié si on se penche sur la contribution effective de la centrale de Provence au réchauffement climatique.
Seul le but recherché, présenter la centrale comme vertueuse, explique l'occultation de l'émission de 341 ktCO2 sur le total de 406 ktCO2 et l'annonce délibérément faussée d'émissions limitées à seulement 95,5 ktCO2.
IV - la caractère délibéré de l'occultation des émissions réelles
L'autorité environnementale a expressément demandé à l'exploitant au titre des principales recommandations : "(...) de compléter le bilan des émissions de gaz à effet de serre en indiquant les quantités de CO2 d'origine biogénique,"
La demande que l'autorité environnementale adresse à l'exploitant est que les quantités de CO2 d'origine biogénique émises soient explicitement indiquées et non que soit présentée une autojustification des raisons pour lesquelles aucune information sur ces quantités n'est donnée dans l'étude d'impact complémentaire qui, rappelons le, a notamment pour objet de pallier le manque d'information initiale sur les gaz à effet de serre (point 96 de l'arrêt de la cour administrative de Marseille) .
Il était loisible à l'exploitant de donner au public le chiffre des émissions de CO2 liées à la combustion du bois (341 ktCO2) et d'indiquer qu'il y avait lieu, selon lui, pour les raisons qu'il met en avant, de ne pas ajouter ces 341 ktCO2 aux 95,5 ktCO2 retenues dans son bilan Carbone.
Ce refus, attesté dans les faits (7), d'informer le public comme le demandait explicitement l'autorité environnementale de l'ampleur de ces émissions (plus de 3 fois supérieures à celles annoncées dans l'étude d'impact complémentaire) s'explique par l'enjeu qu'il a pour l'exploitant à cacher l'émission de ces 341 ktCO2 et annoncer ainsi des émissions limitées à 95,5 ktCO2.
V - la portée de l'altération volontaire du bilan Carbone de la centrale de Provence
A - L'insuffisance de l'étude d'impact complémentaire :
La cour administrative de Marseille a, pour justifier la nécessité d'ordonner une étude d'impact complémentaire, pointé que les informations relatives au bilan - carbone étaient insuffisantes.
Dans ce cadre, et nonobstant la demande expresse de l'autorité environnementale, l'exploitant fait le choix de cacher la réalité des émissions qu'il a lui-même constatées : il annonce au public l'émission de 95,5 ktCO2 en 2022 alors qu'il déclare au registre des émissions polluantes (dont il ne mentionne pas l'existence) l'émission de 406 ktCO2 pour cette même année.
Quelles seraient les contributions des habitants et des élus au registre de l'enquête publique s'ils savaient que le bilan Carbone est en réalité calamiteux
(cf développement "B" ci-dessous)
Le risque pris délibérément en matière de régularité du contenu du dossier et par suite de la procédure d'enquête publique s'explique par le caractère essentiel de la réalité que l'exploitant cache au public.
Le public a au moins autant le droit de connaître les émissions qui PHYSIQUEMENT ont eu lieu (chiffre occulté) que de connaître les émissions que l'exploitant "considère" justifié de prendre en compte, seul chiffre porté dans l'étude d'impact complémentaire (95,5 au lieu de 406 : 4 fois moins que les émissions effectives).
B - l'intensité carbone réelle de la centrale s'oppose à ce que l'autorisation d'exploiter soit accordée.
Toute l'auto justification du projet repose sur l'affirmation selon laquelle le passage du charbon (maintenant interdit) au bois conduit à un bilan Carbone très nettement amélioré.
page 99 de l'étude d'impact complémentaire, l'exploitant affirme :
"Ainsi, suite à sa conversion à la biomasse, le bilan carbone de la centrale de Provence est réduit d'un facteur 3 à 7 environ selon les scénarios par rapport à son fonctionnement au charbon et l'intensité carbone d'un facteur 6 environ."
Le problème est qu'en suivant la méthode de l'exploitant (quantité de carbone émis divisé par la quantité d'électricité produit) mais en tenant compte du fait que, physiquement, 406 ktCO2 ont été émis pour le fonctionnement de la centrale et non 95,5, l'intensité carbone de l'unité P4B est similaire à celle de l'ancienne mine de charbon abandonnée en raison de son incompatibilité avec les objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre.
L'étude d'impact complémentaire, page 97, prétend ceci :
"6.3.2. Evaluation du bilan carbone après conversion à la biomasse
(...) :
2022, sur la base des données réelles disponibles du fonctionnement de la centrale et de son approvisionnement (scénario 1) :
les émissions de la centrale sont estimées à 95,5 ktCO2e pour une production électrique de 373,5 GWh, soit une intensité carbone en 2022 de 256 kgCO2e/MWh pour 3 003 heures de fonctionnement. ;
Le même calcul (quantité de carbone émis divisé par la quantité d'électricité produit) en l'appliquant aux émissions qui ont effectivement eu lieu (les 406 ktCO2 déclarées par l'exploitant au registre des émissions polluantes) donne le résultat suivant :
406 ktCO2 / 373,5 Gwh = 1087 kgCO2e/MWh
En 2009 la vieille centrale à charbon de Gardanne avait nous dit l'exploitant une intensité Carbone de 1.252 kgCO2e/MWh (point 6.3.1 de l'étude d'impact complémentaire).
Les centrales à charbon ont en moyenne une intensité Carbone de 1.058 kgCO2e/MWh nous dit encore l'exploitant.
Tous les autres modes de production d'électricité se font avec beaucoup moins d'émission Carbone par Mwh produit :
418 kgCO2e/MWh pour les centrales de production au gaz en France (mix de turbines à combustion et de cycles combinés) ;
30 kgCO2e/MWh pour les centrales photovoltaïques ;
10 kgCO2e/MWh pour les centrales éoliennes ;
6 kgCO2e/MWh pour les centrales nucléaires.
En occultant l'essentiel des émissions de CO2, l'exploitant présente au public un projet assez vertueux côté bilan - Carbone.
En tenant compte des émissions de CO2 qui ont effectivement lieu dans la centrale quand elle est en activité, l'intensité Carbone est de de 1.087 kgMwh : la centrale de Provence a un bilan carbone calamiteux (sans doute le pire bilan Carbone de toute les installations de productions d'électricité actuellement en activité en France).
L'association CLIMAT05 en conclut que le préfet ne saurait maintenir l'autorisation d'exploiter et qu'auparavant, le rapport de la commission d'enquête ne peut qu'être défavorable au projet qui lui a été présenté de manière non fidèle au réel sur le point qui est la raison d'être de la centrale, la décarbonation de la production d'énergie.
renvois de bas de page :
(1) Nos citations sont extraites du chapitre 6 du document portant étude d'impact complémentaire, pages 93 à 100 ("6. Emissions de gaz à effets de serre – Bilan carbone") et occasionnellement par l'annexe J à ce document
(2) page 99 : "1 058 kgCO2e/MWh pour les centrales à charbon (en ligne avec le bilan carbone réalisé pour la centrale de Provence avant sa conversion à la biomasse) ;"
(3) chiffres donnés par l'exploitant page 99, source ADEME
(4) arrêté ministériel du 31 janvier 2008 relatif au registre et à la déclaration annuelle des émissions et de transferts de polluants et des déchets
(5) "131 - Dioxyde de carbone (CO2) total (d'origine biomasse et non biomasse"
(6) les cimenteries sont dans les 50 plus gros émetteurs https://fne.asso.fr/system/files/2024-07/Les%2050%20sites%20les%20plus%20polluants%20%28RAC-FNE%29.pdf
(7) le chiffre des "quantités de CO2 d'origine biogénique" demeure absent de l'étude d'impact complémentaire soumise à enquête publique